La néphropathie induite par les agents de contraste désigne l'apparition d'une dysfonction rénale après administration intraveineuse de produits de contraste.
Les produits de contraste iodé utilisés en radiologie peuvent contribuer, s’il existe des facteurs favorisants, ou induire une perturbation transitoire de la fonction rénale. Cette diminution brusque de la fonction rénale entraîne une rétention des produits azotés. On parle d’insuffisance rénale induite par l'administration i.v. de contraste lorsque la créatinine sérique a augmenté, par rapport à sa valeur de de base, de 50%. Un autre critère utilisé comme définition est celui d’une augmentation de la créatinine sérique de 0.5mg/l. L’atteinte de la fonction rénale peut être plus ou moins longue, mais est en général transitoire. L'évolution vers une insuffisance rénale terminale est rare. Les mécanismes pathogéniques de la néphropathie induite par les agents de contraste ne sont pas connus avec certitude.
Des facteurs de risque ont pu être reconnus:
• l'âge >60
• une anamnèse de (ou la présence d'une) pathologie rénale (ce qui inclut: les patients dialysés, les transplantés rénaux, les patient ayant un rein unique, les patients ayant eu une chirurgie rénal, un cancer du rein)
• l'hypertension artérielle
• le diabète
• la prise de metformine (ou de médicamenant de la metformine.
La discrimination des patients à risque de néphropathie après administration d'agents de contraste repose à la fois sur l'anamnèse et sur la mesure de la créatinine dans le sang. C'est pour cette raison que le radiologue peut demander au médecin traitant un contrôle des fonctions rénales par une analyse du sang avant d'effectuer un examen avec produit de contraste iodé.
Malheureusement, il n'y a pas de consensus sur la valeur seuil au-delà de laquelle le risque de développer une néphropathie est grand. Cette absence de consensus se reflète dans les différentes pratiques retrouvées aux états-Unis lors des examens de tomodensitométrie (Elicker, AJR 2006): 35% des radiologues utilisent la valeur de 1,5mg/dL, 27% la valeur de 1.7 mg/dL, et 31% 2.0mg/dl.
Différentes sociétés de radiologie (ACR, SFR) ont émis la recommandation suivante:
"Lorsque la clairance de la créatinine est inférieure à 30 ml/mn et/ou lorsque la créatininémie est supérieure à 200 μmoles/l, l'injection de produit de contraste iodé est a priori récusée en l'absence de nécessité absolue et un avis spécialisé est requis avant cette injection."
La clairance de la créatinine peut être calculée selon la formule de Cockcroft et Gault :
Cl créat (ml/mn) = 1,23 x (140-âge) x poids / créat plasm (μmoles/l) chez l'homme
Cl créat (ml/mn) = 1,04 x (140-âge) x poids / créat plasm (μmoles/l) chez la femme
(Fin de citation)
Dés lors, parce qu'il n'y a pas de données dans la littérature ni de consensus sur la définition de l'insuffisance rénale lié aux produits de contraste iodés, une attitude possible est:
Patient | Clairance de la créatinine (C et G) | Injection i.v. contraste iodé |
---|---|---|
Urgence absolue | Indifférent | Oui |
Hospitalisé | Inférieure à 30ml/mn | Non (*) |
Hospitalisé | Supérieure à 30ml/mn | Oui |
Ambulatoire | Inférieure à 30ml/mn | Non (*) |
Ambulatoire | Comprise entre 30 et 60ml/mn | Non (**) |
Ambulatoire | Supérieure à 60ml/mn | Oui |
* = possible seulement après discussion bénéfice/risque
** = possible selon dossier si connu ou après discussion
La manière la plus simple et la plus efficace de diminuer la survenue d’une néphropathie après injection intraveineuse de produit de contraste iodé est d’augmenter le volume circulant. Le protocole idéal n’est pas encore déterminé avec précision. Un protocole possible est de perfuser une solution saline 0.9% à 100ml/h, 6 à 12h avant l’examen puis 4 à 12h après l’examen. Dans ce but, une une hospitalisation de jour peut être proposé.
L’efficacité de l’administration i.v. de bicarbonate de sodium ou de N-acétylcystéin a été remis en question par quelques études récentes.
Les chélates de gadolinium sont utilisés comme produit de contraste dans les examens d'imagerie par résonance magnétique (IRM).
Dans les années 1996, l'administration de chélates de gadolinium était considéré comme relativement sûre: les réactions allergiques étaient rarissimes et il n'y avait pas de perturbation significative de la fonction rénale. Dans certains hôpitaux universitaires, lorsqu'un scanner avec un produit de contraste iodé était contre-indiqué en raison d'une mauvaise fonction rénale, alors on préconisait une IRM. En 1996/7 débutaient les premières angioIRM avec l'utilisation de chélates de gadolinium et il y avait quelques tâtonnements sur les doses à utiliser.
Dans les années 2000 apparaissent les premiers cas de fibrose néphrogénique systémique chez des insuffisants rénaux chroniques.
A partir de 2006 des groupes commencent à publier des articles montrant une association statistique entre ces cas de fibrose néphrogénique systémique (FNS) et l'administration intraveineuse de chélates de gadolinium.
La fibrose néphrogénique systémique induite par le Gadolinium provoque une fibrose de certains tissus comme la peau ou les muscles striés. Cette fibrose est particulièrement importante au niveau de la peau où elle peut limiter les mouvements et être invalidante. Des organes comme la plèvre, le péricarde et le myocarde peuvent être atteints et cette pathologie est donc potentiellement mortelle. La fibrose néphrogénique systémique induite par le Gadolinium apparaît surtout chez les patients ayant une fonction rénale diminuée ou atteints d'une pathologie rénale.
La physiopathologie de la FNS n'est pas connue.
De nombreux travaux s'appuient sur des statistiques qui sont aussi le reflet des parts de marché des différents fabricants de produits de contraste. Par ailleurs, quelques produits sont utilisés dans certains pays et pas dans d'autres. Entre temps, de nouvelles molécules sont apparues. Par conséquent, il peut y avoir un biais dans certaines des statistiques publiées.
Les enjeux économiques sont importants.
Il n'y a donc pas un consensus « universel » sur ce sujet ni sur la présente page de ce site.
Certains produits de contraste sont rapportés plus fréquemment dans les statistiques de FNS. Certains patients sont plus à risque que d'autres.
Catégorie 1:
Produit de contraste associé avec le plus grand nombre de FNS.
Catégorie 2:
Produit de contraste associé avec peu, sinon aucun cas de FNS.
Catégorie 3:
Les nouvelles molécules (pas de donnée statistique suffisante).
Nom de marque | Molécule | Catégorie |
---|---|---|
Magnevist (Bayer) | Gd-DTPA (Gadopentetate dimeglumine) | 1 |
Omniscan (GE healthcare) | Gd-DTPA-BMA (Gadodiamide) | 1 |
Gadovist (Bayer) | Gd-DO3A-butriol (Gadobutrol) | 2 |
Multi-Hance (Bracco) | Gd-BOPTA (Gadobenate dimeglumine) | 2 |
ProHance (Bracco) | Gd-HP-DO3A (Gadoteridol) | 2 |
Dotarem (Guerbet) | Gd-DOTA (Gadoterate meglumine) | 2 |
Les patients à risque de développer une FNS sont essentiellement ceux atteints d'une pathologie rénale chronique (en particulier, ceux qui ont une filtration glomérulaire inférieure à 30ml/mn).
Remarque:
L'ACR recommande quand même d'effectuer une mesure de la filtration glomérulaire dans les situations suivantes:
• Age >60
• Maladie rénale (y compris : rein solitaire, rein transplanté, tumeur rénale)
• Anamnèse d'hypertension ou de diabète.
On rapporte ici les recommandations de l'American College of Radiology (qui ne sont pas tout à fait les mêmes que celles de l'agence européenne du médicament). Ces recommandations sont basées sur la stratification des risques décrite ci-dessus.
Si patient à risque, par exemple: filtration glomérulaire inférieure à 30ml/mn; insuffisant rénal chronique sous dialyse,etc.
• Recherche d'un autre examen!
• Si impossible, discussion risque-bénéfice, information au patient des risques encourus et utilisation d'un produit de contraste de classe 2.
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• Huber W, Eckel F, Hennig M, Rosenbrock H, Wacker A, Saur D, Sennefelder A, Hennico R, Schenk C, Meining A, Schmelz R, Fritsch R, Weiss W, Hamar P, Heemann U, Schmid RM. Prophylaxis of contrast material-induced nephropathy in patients in intensive care: acetylcysteine, theophylline, or both? A randomized study. Radiology. 2006 Jun;239(3):793-804. Comment in: Radiology. 2007 Dec;245(3):918-9; author reply 918-9.
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