La coloscopie optique est une procédure sûre et ses complications sont rares. Peut-être la complication la plus fréquente après coloscopie optique est la perforation de la paroi du côlon? La fréquence de cette complication est estimée entre 0.1% et 0.2%. L'hémorragie est également une complication possible de la coloscopie optique. La septicémie est un peu plus rare.
Les perforations de la paroi du côlon surviennent le plus souvent lors d'une biopsie, d'une résection de polypes ou de passages répétés du colonoscope pour négocier son cheminement dans des boucles intestinales à fortes courbures.
Le développement de douleurs abdominales après coloscopie peut être indicatif d'une perforation de la paroi du côlon. La symptomatologie varie selon la localisation de la perforation. La gravité de la complication dépend à la fois de la taille de la brèche dans la paroi du côlon, des micro-organismes relâchés hors du côlon et des autres pathologies présentées par le patient.
Très souvent, dans cette situation, un scanner abdominal est demandé en urgence par le chirurgien de garde avec les indications suivantes: suspicion de perforation digestive. Localisation de la perforation?
Dans un contexte plus général (c'est-à-dire non spécifique aux perforations iatrogènes), Hainaux et collègues trouvent la localisation des perforations digestives dans un peu moins de 90% de leurs patients hospitalisés pour abdomen aigu. Les critères tomodensitométriques employés étaient les suivants: concentrations de bulles d'air extraluminal près de la paroi intestinale; air extraluminal localisé exclusivement dans le compartiment sus-mésocolique ou sous-mésocolique; air dans l'abdomen et le pelvis; défect dans la paroi intestinal; remaniement inflammatoire périviscéral; liquide extraluminal et abcès. Un 8éme critère, dit subjectif (en l'absence de mesures), est employé: l'épaississement focal de la paroi intestinale. Le scanner multibarrette est donc performant dans la détection des perforations digestives.
Par ailleurs, l'analyse des différents compartiments anatomiques de l'abdomen avec les coupes axiales du scanner et les reconstructions sagittales et coronales, permet non seulement de comprendre le trajet/la localisation du gaz extraluminal mais aussi de confirmer la position de la perforation colique.
La cavité péritonéale est un espace intra-abdominal quasi-virtuel délimité par une membrane séreuse: le péritoine. Le colon transverse et le sigmoïde sont entourés «presque de tous côtés» par le péritoine. Le côlon transverse et le côlon sigmoïde sont rattachés à la paroi abdominale postérieure par un accolement des feuillets péritonéaux contenant de la graisse, des artères nourricières du côlon, des veines et des fibres nerveuses. Cet accolement de feuillets péritonéaux correspond au «méso». Le côlon transverse et le sigmoïde sont classés dans la catégorie des organes intra-péritonéaux.
La partie antérieure du colon ascendant et descendant est recouvert seulement par le péritoine. Le côlon ascendant et le côlon descendant sont des organes rétropéritonéaux.
Lorsqu'une une perforation de la paroi du côlon entraîne une fuite des gaz coliques dans la cavité péritonéale, ces gaz digestifs diffusent librement dans la cavité péritonéale et l'on va trouver des bulles d'air jusque sous les coupoles diaphragmatiques. La présence dans la cavité péritonéale de germes provenant de la lumière colique conduit généralement à son inflammation: c'est la péritonite.
Lorsqu'une perforation se produit au niveau de la paroi postérieure du côlon ascendant ou descendant, le gaz colique va pénétrer dans l'espace rétropéritonéal. L'espace rétropéritonéal n'est pas constitué par une cavité. Le gaz digestif ne peut pas se mouvoir librement et il va se déplacer le long des structures en place (fascia par exemple). Pour le type de perforation considérée dans ce paragraphe, le gaz digestif se répand dans l'espace pararénal antérieur (en principe, du côté de la perforation).
Le côlon sigmoïde est relié à la paroi abdominale postérieure par un méso. Selon le type de brèche, le gaz digestif peut disséquer postérieurement et se propager entre les deux feuillets péritonéaux constituant le méso du sigmoïde. Par cette voie, le gaz digestif peut gagner l'espace rétropéritonéal (le plus souvent l'espace pararénal antérieur gauche) et atteindre la région supérieurs de l'abdomen. Parfois, en raison des communications entre l'étage thoracique et l'étage abdominal, un rétropneumopéritoine peut donner naissance à un pneumonédiastin.
Une brèche (ou une extension de la perforation postérieure) dans le bord antimésentérique du sigmoïde peut expliquer la présence d'air dans la cavité péritonéale.
Le rectum est extra-péritonéal. Une perforation du rectum peut propulser du gaz digestif dans le tissu extra-péritonéal. Ce gaz digestif se répartit le plus souvent dans l'espace pararénal postérieur droit et gauche.
Des divergences avec les schémas présentés ci-dessus peuvent être expliquées par des distinctions plus subtiles dans la localisation de la perforation du côlon. La présence de variantes anatomiques de la norme peut également expliquer quelques variations.
On trouvera une énumération plus détaillée des trajets possibles des gaz digestifs extraluminals dans le livre de MA Meyers ainsi que des mises-à-jour dans différents articles parus dans l'AJR et Radiology.
Patiente de 60 ans, régulièrement suivie pour son diabète et connue pour avoir subi une cholécystectomie il y a 5 ans. Apparition d'importantes douleurs abdominales après une coloscopie optique de routine. L'état clinique s'est rapidement péjoré: signes de péritonisme avec un état fébrile. Demande de scanner abdominal.
Le scanner montre une brèche colique avec une certaine quantité d'air intra- et extra-péritonéal. Une importante diverticulose sigmoïdienne est également mise en évidence.
Une suture de la brèche sigmoïdienne est effectuée.
Pour visualiser les images de plus grandes tailles, cliquer sur la vignette ci-dessous.
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